Guy Berlin

L’arthrose du genou et les huiles essentielles


L’arthrose est une des pathologies articulaires les plus courantes. Elle est source de nombreuses difficultés et les causes sont multiples.

L’arthrose des mains est la plus fréquente des arthroses des membres, suivie de celle des genoux (gonarthrose) puis de la hanche (coxarthrose).

Les traitements médicaux classiques sont souvent insatisfaisants. Les huiles essentielles pourront utilement les compléter. Mais, pour comprendre pourquoi cet accompagnement naturel peut être efficace, il m’a semblé important de l’illustrer sur l’exemple de la gonarthrose. Nous aborderons d’abord l’anatomie du genou, puis les mécanismes biologiques qui se déroulent en cas de problèmes, et enfin nous aborderons les propositions d’accompagnement des huiles essentielles

1) Anatomie du genou et de son articulation

Une articulation désigne l’ensemble des structures qui assurent les mouvements entre plusieurs os.

Le genou est une articulation majeure du membre inférieur, pouvant supporter jusqu’à 5 à 6 fois le poids du corps.

Le genou est constitué de 4 os :

  • Partie supérieure du genou : le fémur et la rotule (appelé maintenant patella)
  • Partie inférieure du genou : le tibia, et le péroné (appelé maintenant fibula).

Le fémur possède deux condyles fémoraux (= extrémité articulaire arrondie d'un os, qui s'emboîte dans une cavité d'un autre os)

Pour que les parties supérieures et inférieures puissent « s’articuler » correctement, les facteurs suivants sont indispensables à la bonne mobilité :

  1. Les extrémités des os supérieurs doivent pouvoir glisser fluidement sur les extrémités des os inférieurs sans résistance entre eux. Pour cela, il faut un tissu à la fois résistant et élastique, véritable amortisseur, absorbant les chocs et facilitant la bonne mobilité de chaque articulation de notre corps. C’est le rôle du cartilage.
  2. Il faut relier les muscles aux os afin de transmettre la force de contraction du muscle à l’articulation tout en lui permettant également son mouvement. Cela nécessite des structures fibreuses très rigides. Ce sont les tendons
  3. Une fois assuré le mouvement sans frottement entre les os ainsi que leur articulation grâce à la contraction des muscles, il faut stabiliser l’ensemble. Ceci se réalise grâce :
    • A des tissus conjonctifs fibreux très solides, permettant le maintien des os entre eux. Ce sont les ligaments.
    • A des « cales » et des « amortisseurs » entre le fémur (qui est arrondi) et le tibia (qui est plat). Ceci est réalisé grâce à des éléments à la consistance caoutchouteuse (fibrocartilages). Ce sont les ménisques, en charge d’améliorer la congruence (= meilleur emboitement) entre le fémur et le tibia. Pour cela, le fémur dispose de 2 condyles (= extrémité articulaire arrondie d'un os, qui s'emboîte dans une cavité d'un autre os) qui vont, par l’intermédiaire des ménisques, s’articuler avec le tibia.
  4. Enfin, comme pour un moteur de voiture, il faut lubrifier l’ensemble du mécanisme afin qu’il ne s’use pas. Cette huile du moteur est appelée liquide synovial ou articulaire, et il est enfermé dans une « capsule » étanche, la capsule synoviale ou articulaire, délimitée par une membrane synoviale. Le liquide synovial (ou synovie) est primordial : il joue le rôle d’un lubrifiant protecteur (amortisseur de chocs) au niveau articulaire, mais il nourrit également les cellules présentes dans le cartilage et élimine les corps étrangers grâce à la présence de cellules immunitaires. Le liquide synovial est composé majoritairement d’acide hyaluronique.

 

On devine qu’il suffit que l’une de ces structures ait une faiblesse pour que l’articulation du genou s’en ressente immédiatement.

Coupe du genou

Coupe du genou

(Schéma du Centre Chirurgical Orthopédique Rochefortais)

Vue postérieure du genou droit

(Schéma du Centre Chirurgical Orthopédique Rochefortais)

Schéma anatomique d’une articulation saine (Sanofi)

 

 

2) L’arthrose, c’est quoi ?

L’arthrose est une maladie articulaire dégénérative aboutissant à la destruction progressive du cartilage. Elle peut être localisée aux membres ou au rachis, et génère des limitations de mouvement et des douleurs (arthralgies). Plusieurs phénomènes apparaissent alors au niveau de l’articulation, dont la destruction du cartilage n’est qu’un des résultats les plus significatifs :

 

  • Sous l’effet de facteurs mécaniques (pressions trop importantes et répétées) ou biologiques (maladies) le cartilage peut se dégrader, s’amincir, voire se détruire.
  • La diminution de l'épaisseur du cartilage génère alors un pincement articulaire. L'espace séparant l'extrémité des os de l'articulation rétrécit et des fissures au sein du cartilage apparaissent.
  • Ces fissures peuvent se prolonger jusqu’à l'os sous-chondral, qui représente la partie de l’os située directement sous le cartilage où repose l'articulation. L’os sous-chondral, peut réagir à la pression et aux lésions du cartilage et se densifier au niveau des altérations. Ce que l’on appelle la condensation de l’os. Cette densification de l’os sous-chondral entraine une perte de sa capacité d’absorption des chocs.
  • Le manque d’élasticité et la perte du cartilage, peuvent aussi amener l’os sous-chondral à se fissurer, créant ainsi des trous dans l’os, appelés géodes.
  • Une fois que le cartilage a complètement disparu, les surfaces osseuses vont frotter l’une contre l’autre, ce qui génère une pression trop importante sur l’articulation et l’apparition de douleurs osseuses. L’os qui subit cette pression fabrique plus de tissu osseux pour augmenter la surface de contact et ainsi se « soulager ». Ce tissu osseux est produit en excès et de façon anarchique : ce sont les ostéophytes, aussi connus sous le nom de « bec de perroquet ». En fonction de la forme des lésions, de leur taille et de leur localisation, les ostéophytes peuvent entraîner une gêne fonctionnelle (raideur articulaire) pour la personne, voire une compression des racines nerveuse dans le cas de la colonne vertébrale, occasionnant des fourmillements (paresthésies) et des douleurs neurologiques.
  • En parallèle, lorsque le cartilage est abimé, cela entraine une réaction inflammatoire dans l’articulation, avec un impact direct sur sa capacité de lubrification. La diminution, voire l’inefficacité, du liquide articulaire/synovial, amène l’organisme à produire beaucoup plus de ce liquide, entrainant un gonflement de l’articulation : c’est l’épanchement de synovie. Cela engendre un cercle vicieux : la dégradation du cartilage produit des déchets qui agissent sur la membrane synoviale qui devient inflammatoire. Elle produit alors plus de liquide synovial, et donc agresse le cartilage qui va se dégrader encore davantage, relâchant des débris dans la membrane synoviale. Et ainsi de suite.

Schéma de « Fondation pour la Recherche Médicale »

Articulations en phase d'arthrose avancée

 

3) Quelles sont les facteurs initiateurs de l’arthrose ?

Les causes d’une destruction de cartilages sont nombreuses et souvent multifactorielles. Les 3 plus fréquentes sont les suivantes :

 

Problèmes mécaniques ou traumatiques

C’est la cause n°1 de l’arthrose. Des contraintes mécaniques régulières sont source de trop grande pression sur les cartilages, amenant à leur destruction : anomalies dans les postures, jambes déformées (facteurs génétiques), surpoids, sports intensifs, accidents, etc…

 

Vieillissement

Comme tout tissu, le cartilage se détériore avec le temps, même si cela n’est pas systématique. Les chondrocytes deviennent moins nombreux et moins actifs, entrainant une synthèse de moins bonne qualité des protéines non collagéniques et notamment des protéoglycanes (voir ci-dessous), ce qui aboutit à une perte de l’hydratation articulaire. Au final, cela peut se traduire (mais pas toujours, il faut d’autres éléments associés) par une fragilisation du cartilage et l’apparition de fissures.

 

L’inflammation chronique

Lors de maladies inflammatoires ou auto-immunes (Polyarthrite rhumatoïde, Goutte, Lupus érythémateux chronique, Arthrite psoriasique, etc…) il y a libération de médiateurs de l’inflammation dans les articulations, pouvant entrainer une destruction rapide du cartilage et de la capsule synoviale.

4) Caractéristiques du cartilage

 

Le cartilage assure le glissement des extrémités osseuses avec un coefficient de friction très bas et permettre la transmission et l’amortissement des charges souvent importantes.

Le cartilage est l’interface entre l’os sous-chondral, la membrane synoviale et le liquide intra-articulaire.

Son épaisseur normale est de 2—4mm pour une hanche et de 6—7mm pour un genou. Le cartilage normal ne contient ni vaisseau ni terminaison nerveuse.

Le cartilage se renouvelle en permanence, mais très lentement.

 

De quoi est composé le cartilage ?

Le cartilage est composé de cellules et d’éléments extérieurs aux cellules (ce que l’on appelle la matrice extracellulaire) :

Cellules :

  • Chondrocytes, qui constituent les seules cellules du cartilage. Leur rôle est de renouveler le cartilage, par destruction et reconstruction permanente. Ils assurent de ce fait à la fois la synthèse (=construction/fabrication) et la dégradation de la matrice extracellulaire. Ce faisant, les chondrocytes sécrètent de nombreuses substances actives, dont certaines peuvent devenir inflammatoires en cas d’anomalies. Les chondrocytes représentent environ 10% du volume du cartilage.

Matrice Extracellulaire (MEC, c’est-à-dire en dehors des cellules Chondrocytes)

  • Protéoglycanes (principalement des agrécanes), molécules constituées d’acide hyaluronique. Leur rôle est d’absorber le liquide synovial est donner de servir d’amortisseur au cartilage. En ce sens, les protéoglycanes retiennent l’eau et la filtrent. On dit que les protéoglycanes sont dotées de propriétés rhéologiques.
  • Fibres de collagène de type II principalement (95% des fibres de collagène). Ce sont des protéines qui maintiennent les protéoglycanes en place. Elles rendent le cartilage solide.
  • Eau (75 à 80% de la Matrice extracellulaire).
  • Protéines, lipides et sels minéraux

 

(Source : www.arcanatura.fr)

Source (www.pensersante.fr)

Entourant le cartilage, on trouve 2 éléments clés, sommairement décrits plus haut :

Le liquide synovial : il permet l’apport de substances nutritionnelles au cartilage articulaire, celui-ci n’étant pas vascularisé par des vaisseaux sanguins, ce qui rend le cartilage difficile à cicatriser en cas de fissure. Il permet de lubrifier les surfaces articulaires. Il entre dans l’articulation par diffusion, il est alors diffusé lors de la compression/relaxation pendant des mouvements. Le liquide synovial est secrété en fonction des besoins : en cas de grosses pressions sur l’articulation, il s’en produira beaucoup. A l’inverse, le repos fera diminuer cette sécrétion. Le surplus sera absorbé en partie par la membrane synoviale.

 

La membrane synoviale : elle contrôle l’environnement de l’articulation en jouant le rôle d’une membrane perméable qui filtre l’entrée et la sortie des nutriments et d’autres molécules dans l’articulation. Elle est constituée de 3 types de cellules différents qui joueront un rôle clé en cas d’inflammation :

  • Des macrophages synoviaux.
  • Des fibroblastes synoviaux, qui sécrètent l’acide hyaluronique
  • Des cellules dendritiques

 

NB : les macrophages sont des globules blancs présents dans les tissus. Leur rôle est de phagocyter (engloutir puis digérer) les débris cellulaires et les agents pathogène, et de stimuler les lymphocytes et autres cellules immunitaires afin de répondre à l'agent pathogène.

Les cellules dendritiques font partie des cellules du système immunitaire et sont impliquées dans le déclenchement des réponses immunitaires. Elles sont capables de reconnaître les pathogènes et d'induire des réponses immunitaires en activant les lymphocytes T spécifiques de pathogènes.

 

5) Quels sont les mécanismes de dégradation du cartilage ?

On a vu que les chondrocytes sont les seules cellules du cartilage.

Les chondrocytes sont en charge de renouveler et détruire le cartilage (synthèse et dégradation de la matrice extracellulaire). Ces synthèses (=construction/fabrication) et dégradations (=destruction) se font au travers d’enzymes spécialisées et se traduisent par des réactions biochimiques :

  • Le catabolisme : réactions biochimiques de dégradation des molécules qui se déroulent dans l'organisme
  • L’anabolisme : réactions de synthèse de molécules

Le catabolisme et l'anabolisme sont les deux composantes du métabolisme

 

Dans un cartilage sain, il y a équilibre entre anabolisme et catabolisme.

 

Dans le cartilage arthrosique, l’hypercatabolisme (destruction) dépasse l’hyperanabolisme (construction).

L’arthrose survient généralement dans des conditions de surcharge excessive (hyperpression) du cartilage normal (arthrose mécanique) ou de surcharge normale d’un cartilage vulnérable (arthrose structurale).

 

Que se passe-t-il en cas de déséquilibre entre catabolisme et anabolisme ?

  1. Sous l’effet de l’hyperpression, le chondrocyte voit son activité modifiée. Son métabolisme augmente, d’abord en faveur de la synthèse : c’est la tentative de réparation du cartilage. En même temps, le chondrocyte accentue également les enzymes de dégradation.
  2. Dans un deuxième temps, le chondrocyte s’épuise et la synthèse des composants matriciels diminue tandis que la production d’enzymes de dégradation est maintenue. Le cartilage se détruit.
  3. En parallèle, ces productions d’enzymes de dégradation induisent des cytokines pro-inflammatoires, issues de la membrane synoviale, et produites par les macrophages synoviaux et les cellules synoviales, ce qui a pour effet d’augmenter encore la dégradation du cartilage. C’est le cercle vicieux.

 

Pour mémoire :

  • une enzyme est une protéine présente dans les cellules et qui a pour fonction de faciliter les réactions chimiques qui s'y produisent. Ce sont des catalyseurs (= accélérateurs) de réactions chimiques. Elles sont absolument fondamentales pour le fonctionnement de l’organisme.
  • Les cytokines sont des molécules du système immunitaire qui jouent un rôle de messager entre elles, afin de se coordonner sur la réponse à donner en cas d’agression. Elles peuvent être de type pro-inflammatoires lorsqu’elles détectent un agent pathogène. Elles peuvent être de type anti-inflammatoires lorsque l’organisme a besoin de calmer les réactions chimiques après une agression

 

Les réactions biologiques/enzymatiques entrainant la destruction du cartilage sont complexes et nombreuses. Les raisons de l’initiation et de la progression de l’arthrose sont multiples. Aux facteurs présentés précédemment s’ajoutent des facteurs biochimiques. Leurs activités biologiques mettent en relation le cartilage avec : lui-même, la membrane synoviale ainsi que l’os sous-chondral.

Cet article n’a pas pour objectif de les décrire toutes, mais plutôt de s’attarder sur celles pour lesquelles les huiles essentielles peuvent apporter une réponse.

 

Quels enzymes rentrent en jeu dans les réactions métaboliques ?

  • Enzymes impliquées dans la destruction des molécules : protéases, telles que métalloprotéases (MMP), agrécanases (ADAMT), cathepsines.
  • Enzymes impliquées dans la synthèse des molécules : anti-protéases, telles que TIMP (inhibiteur tissulaire des métalloprotéases), IAP (inhibiteur de l’activateur du plasminogène)

En plus des enzymes qui vont faciliter les réactions chimiques, des cytokines vont intervenir dans les processus de renouvellement et dégradation du cartilage.

 

Quelles cytokines interviennent dans la régulation métabolique de l’articulation ?

  • Cytokines anaboliques : elles agissent comme facteurs de croissance et de différenciation pour augmenter l’activité synthétique : IGF-1, TGF-β, BMP. Ces cytokines vont être actives lors du renouvellement de la matrice extracellulaire.
  • Cytokines cataboliques : elles demandent aux cellules cibles de produire plus de produits de dégradation de la matrice. Il s’agit essentiellement d’IL-1 β, IL-6, TNF-α. (ainsi que les cytokines IL-1α, IL-8, IL-17, IL-18).
  • Cytokines anti-cataboliques : inhibent l’activité des cytokines cataboliques : IL-4, IL-10, IL-13, IL-1ra. Elles vont tenter de contrer les dégradations.

L’information sur les cytokines est importante dans le sens où elle guidera l’aromatologue dans ses conseils en huiles essentielles.

Représentation schématique de la régulation de l’homéostasie du cartilage.

L’homéostasie représente un équilibre biologique entre l’activité anabolique du chondrocyte et l’activité catabolique des protéases matricielles. Au cours de l’arthrose, le catabolisme prend le pas sur l’anabolisme et fait ainsi perdre cet équilibre homéostasique (Demoor et al., 2014).

Implication des protéines régulatrices dans le métabolisme et l'homéostasie des chondrocytes et du cartilage articulaire.

Dans un état sain, les protéines prédominantes sont celles qui ont un caractère pro-anabolique, alors que pour différentes raisons, au début de l'arthrose, les cytokines pro-inflammatoires augmentent et perturbent l'équilibre entre les molécules cataboliques et anabolisantes. Dans le cartilage articulaire sain, les chondrocytes restent dans un état de repos avec un renouvellement très faible, et un équilibre entre les processus cellulaires anaboliques et cataboliques est atteint. En revanche, dans l'arthrose, les chondrocytes deviennent dérégulés et commencent à proliférer, augmentant la production de médiateurs inflammatoires et d'enzymes dégradant la matrice, ce qui provoque une faiblesse mécanique. Ensuite, l'activité basale des chondrocytes se déplace vers un phénotype plus catabolique, et le cartilage articulaire se dégrade à mesure que les chondrocytes perdent leur capacité à réparer tout dommage dans la matrice extracellulaire environnante (BioRender.com 2021)

 

6) Comment démarre une arthrose ?

Les causes de l’arthrose sont multifactorielles. On a vu que les problèmes mécaniques, le vieillissement et l’inflammation chronique/problème métabolique étaient des facteurs de risque importants. A ceux-ci se rajoutent des facteurs biochimiques, reliant le cartilage, la membrane synoviale et l’os sous-chondral.

En d’autres termes, cette pathologie n’affecte pas uniquement le cartilage articulaire, mais l’intégralité de l’articulation : l’os sous chondral, les ligaments, la capsule articulaire, les muscles périarticulaires (= au voisinage de l’articulation) et la membrane synoviale.

Des données récentes indiquent d’ailleurs que l'os sous-chondral, le cartilage et la synoviale sont une source de médiateurs inflammatoires dans la progression de l'arthrose et la dégénérescence du cartilage, ce qui enferme l’arthrose dans un cercle vicieux d’auto-inflammation.

6.1) Contraintes mécaniques

On l’a vu plus haut, la cause n°1 de l’arthrose est la contrainte mécanique sur les cartilages.

En fait, le cartilage est soumis à trois types de force :

  • de pression/compression (surpoids, sports intensifs,…)
  • de cisaillement (squats,…)
  • de tension.

Forces de pression/compression

La résistance aux forces de pression dépend de la teneur en protéoglycanes, qui va influencer directement les mouvements de fluide dans la Matrice extracellulaire.et qui se réduit avec l’avancée en âge. En compression (immobilisation ou port statique d’une charge), on assite à une diminution :

  • des propriétés mécaniques et rhéologiques (= propriété que possède un corps conditionnant son comportement à l'écoulement ou à la déformation) de la Matrice extracellulaire
  • du métabolisme des chondrocytes.

Il faut savoir que lors de la marche, les pressions exercées sur chaque genou correspondent à 5 à 6 fois le poids du corps.

Forces de cisaillement

Lors des forces de cisaillement, la production de monoxyde d’azote (NO) augmente. Cela provoque la dégradation des principaux composants de la matrice (protéoglycanes et collagène).

Au cours du processus de vieillissement, la possibilité de résister à ces forces de tension et de cisaillement diminue.

6.2) L’inflammation de l’articulation

Un certain nombre d’études ont fait apparaitre un lien entre des états inflammatoires et l’arthrose.

Au cours de l’arthrose, l’inflammation est visible à la fois aux niveaux du cartilage, de la membrane synoviale et des os. Elle est le principal perturbateur de l’équilibre du cartilage et le médiateur catabolique (destructeur) de la maladie.

Cette inflammation est générée à la fois par le système immunitaire et les tissus avoisinants. De ce fait, l’arthrose ne peut se résumer à une unique pathologie du cartilage car elle représente une maladie plus globale touchant plusieurs tissus et organes avec une multitude d’intervenants cellulaires, autres que le seul chondrocyte.

Durant le processus arthrosique, de nombreuses cytokines sont sécrétées et jouent chacune un rôle spécifique dans la maladie. On distingue néanmoins 3 acteurs majeurs dans la progression de cette arthropathie :

  • l’interleukine 1β (IL-1β),
  • l’interleukine 6 (IL-6)
  • le «Tumor Necrosis Factor-⍺» (TNF-⍺).

 

Suite à un stress biologique ou mécanique, les chondrocytes, les cellules du tissu synovial, de l’os ainsi que les cellules immunitaires sont capables d’exprimer ces cytokines inflammatoires. Elles sont produites à de taux assez forts dès les premiers stades de l’arthrose. Au cours de cette affection, les récepteurs cellulaire à IL-1β et au TNF-⍺ sont surexprimés à la surface du chondrocyte, ainsi, l’action de ces cytokines en est exacerbée.

 

Sous l’effet de l’IL-1β, de l’IL-6 et du TNF-⍺, le chondrocyte voit sa capacité de synthèse matricielle drastiquement réduite et particulièrement l’expression du collagène de type II et de l’agrécane (protéoglycane). L’action de ces cytokines va également entretenir l’inflammation issue des cellules et des tissus environnants.

 

On distingue 3 phases dans l’évolution de l’arthrose :

Phase 1 : Un stade initial d’œdème cartilagineux. Une synthèse excessive de protéoglycanes vient perturber le réseau de collagène II, censé maintenir les protéoglycanes en place. Il s’ensuit une hyperhydratation de la matrice extracellulaire, et donc un œdème du cartilage.

 

Phase 2 : Un stade intermédiaire d’apparition de fissures superficielles.

  • En cette étape, des cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-6 et TNF-α en majorité, ainsi que des Prostaglandines inflammatoires PGE2) vont forcer les chondrocytes à produire des métalloprotéases (MMP, agrécanases ADAMTS), ce qui va engendrer la destruction des molécules (hypercatabolisme). Le renouvellement des chondrocytes s’épuise, entrainant avec lui celui du liquide synovial lubrifiant.
  • Les chondrocytes se différencient alors en deux voies distinctes : soit vers une voie 1 correspondant à un processus d’apoptose (mort cellulaire), soit vers une voie 2 en devenant des fibro-chondrocytes synthétisant une matrice extracellulaire anormale (notamment du collagène I, III et X au lieu du collagène II).
  • La quantité d’eau présente dans la matrice diminue, à l’origine d’une perte des qualités amortissantes du cartilage
  • Enfin, les chondrocytes vont produire un radical libre de l’oxygène, particulièrement néfaste : le monoxyde d’azote (= oxyde nitrique NO). La formation du NO peut également être stimulée par la cytokine IL-1β. Le monoxyde d’azote, et en particulier sa a forme induite iNOS, provoque l’inhibition de la synthèse des protéoglycanes et du collagène II, il stimule la production de MMP et augmente le relargage d’agrécane dans le liquide synovial, ce qui va stimuler les chondrocytes, engendrant alors un cercle vicieux de production de cytokines inflammatoires et enzymes destructrices du cartilage.

 

La description des réactions biologiques de cette étape 2 peut paraitre fastidieuse mais elle est importante dans le sens ou certaines huiles essentielles seraient capables, d’après les études in vitro, de lutter contre :

  • les cytokines inflammatoires IL-1β, IL-6 et TNF-α
  • les prostaglandines PGE2, dont les précurseurs sont la COX-2.
  • le monoxyde d’azote (NO) et sa forme induite iNOS
  • l’apparition de MMP.

 

Phase 3 : Stade final : fissurations profondes et mise à nu de l’os sous-chondral. Les fissures importantes du cartilage finissent par détacher des lambeaux de cartilage qui vont dans la cavité articulaire. L’inflammation de la membrane synoviale apparaît souvent à ce stade.

On assiste à la pérennisation de la maladie par une membrane synoviale devenue « poubelle » et des remaniements sévères de l’os sous-chondral.

Processus arthrosique de l'articulation synoviale du genou (Nadège Ribes - 2015)

PG = Protéoglycanes              PGE2 = Prostaglandines de type E2         LIF = Leukemia Inhibitory Factor

En résumé, le processus arthrosique résulte d’une série de déséquilibres perturbant l’homéostasie (=équilibre interne) du cartilage :

  • Synthèse marquée de protéases (enzymes destructrices) par rapport à leurs inhibiteurs
  • Synthèse marquée de cytokines pro-inflammatoires par rapport à leurs antagonistes (anti-inflammatoires)
  • L’activité catabolique prend le pas sur l’activité anabolique.
  • Mort cellulaire accrue des chondrocytes sans compensation du nombre de cellules.

 

On pourrait rajouter à ce tableau le rôle de plus en plus étudié d’une dégradation de l’os sous-chondral dans l’apparition de l’arthrose.

Il existe en effet un dialogue biochimique permanent entre l’os sous-chondral et le cartilage, avec la synthèse de cytokines pro- et anti-inflammatoires, de prostaglandines et de facteurs de croissance, intervenant dans la physio-pathogénie de l’arthrose.

En raison de cette étroite relation existant entre la fragilisation du cartilage et de l’os sous-chondral au cours du processus de vieillissement, certains auteurs ont suggéré la possibilité que l’os sous-chondral puisse initier la destruction du cartilage.

Les travaux réalisés ces dernières années permettraient d’affirmer que l’atteinte de l’os sous-chondral n’est pas une conséquence de l’arthrose mais fait partie intégrante du processus arthrosique.

 

 

7) Thérapeutique médicale de l’arthrose

La thérapeutique médicale classique de la maladie arthrosique est assez pauvre et limitée en termes de résultats et d’efficacité : que ce soit le paracétamol, les AINS, les corticoïdes intra-articulaires (pas plus de plus de 2—3 fois par an), ou les injections d’acide hyaluronique (efficacité meilleure qu’un placebo, mais modérée), aucune de ces propositions ne semble suffisante à résoudre les problèmes.

 

Les acteurs de la santé s’accordent à dire que la prise en charge de l’arthrose doit être multidimensionnelle :  médicamenteuse et non médicamenteuse.

Les objectifs du traitement de l’arthrose sont :

  • de soulager la douleur ;
  • de préserver les fonctions de mobilité (exercices spécifiques, activité sportive modérée,...)
  • de restaurer la qualité de vie (profession, loisirs...) ;
  • d’agir sur les mécanismes du processus arthrosique en arrêtant la destruction des chondrocytes et réparant le cartilage ;

Une perte de poids (si surpoids) et une rééducation sont largement préconisées.

 

 

8) Et les huiles essentielles dans tout ça ?

On vient de voir plus haut que les cytokines inflammatoires IL-1β, IL-6 et TNF-α ainsi que les prostaglandines COX-2 et 5-LOX, étaient les cibles prioritaires à combattre, suivies de l’iNOS et des MMP.

 

Je décrivais brièvement dans le menu « Mes pratiques – L’aromathérapie - Pourquoi ça marche » que les molécules aromatiques des huiles essentielles, extraites des végétaux, fonctionnaient comme des acteurs chimiques de par leurs structures hydrocarbonées et/ou leurs fonctions chimiques.

 

Ces molécules interagissent avec des :

  • Protéines : inhibition ou expression d’enzymes, par exemple
  • Protéines dénaturées : inhibition de la destruction de certains processus enzymatiques , comme la fibrinolyse ( Protéine dénaturée  = perte de forme tridimensionnelle des molécules , entrainant une perturbation de l’activité cellulaire, voire leur mort).
  • Lipides : inhibition de certains lipides (= lipolyse)
  • Espèces réactives de l’oxygène (ERO), dont les radicaux libres de l’oxygène (RLO)

 

Des études scientifiques ont montré que parmi les molécules végétales composant les huiles essentielles, certaines avaient les actions suivantes (non exhaustives) sur l’organisme :

 

  • Baisse des cytokines IL-6 et IL-1β : molécules de β-myrcène, de α-pinène, …
  • Baisse de la cytokine TNF-α : molécules de trans-anéthol, de β-myrcène, …
  • Baisse de la prostaglandine COX-2 : molécules de Salicylate de méthyle, de thymoquinone, de γ-terpinène, de Salicylate de benzyle, de β-caryophyllène, de menthone, …
  • Baisse de la prostaglandine 5-LOX : molécules furanosesquiterpènes, de β-caryophyllène, de α-bisabolol, de (+)-E-nérolidol, de α-cédrol, …
  • Baisse de l’iNOS : molécules de linalol, d’élémicine, …
  • Baisse des métalloprotéases MMP : molécules de (+)-linalol, de β-caryophyllène, d’acide boswellique, d’α-nécrodol,…

 

Mais une huile essentielle ne se résume pas à ses molécules majoritaires. Elles forment un tout. Même si certaines huiles ont des composantes communes, leur totum (= toutes les substances naturelles contenues dans l’huile essentielle) leur donnent des propriétés différentes.

 

C’est une des différences fondamentales avec les médicaments de synthèse qui ne comprennent qu’un seul composant. La richesse des composants d’une huile essentielle la rendra adaptée à plusieurs cibles thérapeutiques grâce à son totum.

 

En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’une huile A comprend, par exemple, du β-caryophyllène, qu’elle conviendra forcément à la pathologie pour laquelle il faut baisser les COX-2.

 

En prenant en compte ces paramètres, les huiles essentielles les plus pertinentes pour soulager les problèmes d’arthrose seront, par exemple, les suivantes (non exhaustives ni classées par ordre de priorité) :

Cytokines/PG inflammatoires Molécules majoritaires Huiles essentielles
↓ Cytokines IL-6 et IL-1β  ● β-myrcène


● α-pinène
Lentisque pistachier, Myrique baumier,Faux poivrier/Baies rose,...
Pin sylvestre, Cyprès toujours vert, Epinette noire,...
↓ Cytokine TNF-α  ● Salicylate de méthyle
● Thymoquinone
●​​​​​​​ γ-terpinène
●​​​​​​​ Salicylate de benzyle
●​​​​​​​ Shogaol
●​​​​​​​ β-caryophyllène
●​​​​​​​ Menthone
Gaulthérie couchée, Bouleau,...
Nigelle douce,...
Tea-tree,.....
Ylang-Ylang,...
Gingembre,...
Chanvre,...
Menthe poivrée,...
↓ Prostaglandine 5-LOX  ●​​​​​​​ Furanosesquiterpènes
●​​​​​​​ β-caryophyllène
●​​​​​​​ α-bisabolol
●​​​​​​​ (+)-E-nérolidol
●​​​​​​​ α-cédrol
Myrrhe amère,...
Baume de Copahu,...
Candélia,...
Cabreuva,...
Genévrier de Virginie,...
↓ iNOS (Oxyde nitrique synthase - forme induite) ●​​​​​​​ (-)-linalol
●​​​​​​​ β-myrcène
Lavande aspic, Thym verveine,..
Lentisque pistachier, ...
↓ Métalloprotéases  MMP ●​​​​​​​ (+)-linalol
●​​​​​​​ β-caryophyllène
●​​​​​​​ Acide boswellique
●​​​​​​​ α-nécrodol
Coriandre,...
Katafray, Poivre noir,...
Encens des Indes,...
Lavande de Séville,...

Légende : ↓ = diminution        PG = Prostaglanines

Il n'est pas toujours aisé de savoir pourquoi une huile donne des résultats. Par exemple, le Santal blanc a également une action importante sur les IL-6, IL-1β et TNF-α, sans que l'on sache exactement, parmi ses différentes molécules, celles qui permettent de baisser ces cytokines.

 

Ces huiles ne supprimeront évidemment pas les causes initiales mais contribueront à faire baisser l’inflammation et les douleurs. Elles pourront être complétées utilement par des huiles essentielles antalgiques et/ou analgésiques, telles que la Menthe poivrée, l’Encens de Somalie à paracymène, la Camomille noble, etc…

En fonction de votre terrain, vos allergies, vos sensibilités, vos médicaments et vos contre-indications, votre aromatologogue sera le plus à-même de conseiller la bonne synergie d'huiles essentielles à réaliser.

 

Par ailleurs, l'ensemble des réactions biochimiques détaillées plus haut, sont probablement révélatrices d'une acidité accrue de l'organisme. Pour rétablir un équilibre acido-basique, un changement d'alimentation (anti-inflammatoire et alcaline) sera souhaitable, accompagné éventuellement d'un drainage visant à éliminer cette acidité. 

 

Un apport de vitamines, d’oligo-éléments, de glucosamine sulfate et sulfate de chondroïtine (amélioration de la synthèse du collagène et des chondrocytes) ainsi que de phytothérapie pourront également être bénéfiques dans la prise en charge naturelle de l'arthrose, en plus des huiles essentielles. Enfin, des activités physiques adaptées sont absolument indispensables en dehors des poussées d'arthrose.

Les différentes formes d’accompagnement seront à voir votre naturopathe, surtout s’il est également aromatologue…

© Guy Berlin - Aromatologue


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