Guy Berlin

D'où viennent les huiles essentielles ?


L’homme n’a pas attendu le XXIème siècle pour utiliser les huiles essentielles.

Cet article a pour objectif de les repositionner dans l’histoire de l’humanité, et de tenter de comprendre pourquoi leur utilisation dans les temps anciens est redevenue une tendance de fond aujourd’hui, et quels en sont les ressorts scientifiques.

 

1) Un peu d’histoire

Les plantes aromatiques sont apparues il y a environ 50 millions d’années. Elles constituent un ensemble de plantes utilisées en cuisine et en phytothérapie pour les arômes qu'elles dégagent, et leurs huiles essentielles que l'on peut extraire. Ces plantes aromatiques sont cultivées selon les besoins pour leurs feuilles, tiges, bulbes, racines, graines, fleurs, écorce, etc.

 

Selon certains auteurs, on peut distinguer 4 époques structurantes :

  • dans un premier temps, les plantes aromatiques étaient utilisées dans l'alimentation, puis sous forme de macérations, et, ensuite, d'infusions ou de décoctions. On en retrouve les premières traces il y a plus de 50 000 ans dans les grottes de Shanidar dans la région du Kurdistan, habitées par Homo Neandertalis
  • Par la suite, les plantes aromatiques étaient brûlées ou mises à infuser ou à macérer dans une huile végétale. C’est à cette époque qu’apparaît la notion d'activité liée à la substance odorante.
  • Dans un troisièmes temps, l’homme cherche à extraire cette substance odorante. C'est la naissance du concept d'"huile essentielle", qui aboutit à la création et au développement de la distillation. On en retrouve des traces de leur existence dans certains papyrus de l’Égypte Ancienne, à partir de 4500 avant JC, au Moyen Orient 4000 avant JC, en Chine , 2800 avant JC, etc…
  • Enfin, c’est la période moderne, pendant laquelle la connaissance des composants des huiles essentielles est prise en compte pour expliquer les activités : physiques, chimiques, biochimiques, et, récemment, électroniques, des arômes végétaux.

 

D’après les Annales de l’Institut Pasteur, c’est en 1888 que Cadéac et Meunier publient les résultats de leurs recherches sur la capacité des huiles essentielles à neutraliser les germes. De nombreuses vérifications in vitro, sont menées par des pharmaciens et des médecins.

 

En 1928, le chercheur lyonnais René-Maurice Gattefossé invente le mot « Aromathérapie » (des termes latins « aroma » -odeur- et « therapeia » -traitement) et publie en 1931 son ouvrage: Aromathérapie, dans lequel il décrit les résultats de ses recherches, de ses expériences, et ses découvertes. Il fut le premier à mettre en lumière les relations structure/activités des composants aromatiques et à codifier les grandes propriétés des arômes naturels : antitoxique, antiseptique, calmante, stimulante, tonifiante, etc (extraits du livre « L’Aromathérapie exactement », de Pierre Franchomme).

 

Ces découvertes majeures furent éclipsées par la découverte de la pénicilline et des premiers antibiotiques, qui firent un bon en avant à partir de 1941.

 

Dans les années soixante, un mouvement de renaissance du courant français fut amorcé par Jean Valnet qui s'enthousiasma pour l'extraordinaire puissance curative des huiles essentielles et publia en 1964 « Aromathérapie : traitement des maladies par les essences des plantes ».

Jean Valnet développa également la méthode d’évaluation de l’activité antimicrobienne des huiles essentielles. Cette technique avait déjà été inventée pour l’évaluation des antibiotiques de synthèse, mais il l’adapta à celle des huiles essentielles.

 

En 1975, Pierre Franchomme, biochimiste et chercheur français, fondera le premier laboratoire spécialisé en huiles essentielles PRANARÔM (dont la direction sera reprise par le pharmacien aromatologue belge Dominique Baudoux au début des années 1990). Grâce à son travail, les spécificités biochimiques de chaque huile sont plus faciles à identifier. Il y développera la notion essentielle de « chemotype » (type chimique d’une plante) et d’ « Aromathérapie scientifique » à travers ses recherches et écrits, conjointement avec le Dr Daniel Pénoël. Ces avancées seront déterminantes pour la large diffusion de l’utilisation des huiles essentielles dans le monde.

 

2) Obtention d’une huile essentielle

Une plante dite aromatique est capable synthétiser des essences aromatiques grâce à la photosynthèse, c'est-à-dire des substances odorantes et volatiles, combinant des molécules très variées (en moyenne une centaine de molécules différentes pour une seule essence : terpènes, cétones, alcools, esters, aldéhydes...).

Ces essences sont produites par des cellules végétales spécialisées et stockées dans de petites poches situées, suivant les plantes, dans les feuilles, les fleurs, les tiges, le bois, l'écorce, la résine, les graines...

 

L’obtention d’une huile essentielle consiste à extraire ces essences aromatiques (d’où le nom d’huile « essentielle »).

 

Pour cela, il existe 3 procédés principaux, qui ne s’adaptent pas à toutes les plantes aromatiques d’une part, et qui donnent des résultats différents d’autre part :

  • La distillation  à la vapeur d’eau (le plus courant)
  • L’expression à froid (réservé aux agrumes)
  • L’extraction au fluide carbonique à l’état supercitique (récent)

 

A cela il faut rajouter les absolues florales (ou absolues), consistant à extraire le parfum des fleurs par l’intermédiaire de solvants organiques, principalement l’hexane.

 

Procédé n°1 : la distillation à la vapeur d’eau (procédé le plus courant) :

  1. on dispose la masse végétale dans la cuve d’un alambic.
  2. on fait passer de la vapeur d’eau (généralement autour de 100°C) à travers cette masse végétale, ce qui fait éclater les poches à essence des plantes entreposées
  3. Ces essences libérées sont alors transformées en vapeur d’essence.
  4. Les vapeurs sont ensuite condensées sous forme liquide et le distillat (produit de la distillation) ainsi obtenu est recueilli dans un récipient appelé essencier.
  5. On obtient alors deux substances :
    • une phase huileuse, surnageant à la surface, qui est l'huile essentielle (qui est en fait le produit de distillation de l’essence)
    • une phase aqueuse, appelée eau florale ou hydrolat (car ce sont des substances hydrosolubles restant dans l’eau recueillie) ou également EDA (Eau Distillée Aromatique).

 

Le schéma ci-après est extrait du site www.distillation.bio

  • Les molécules les plus « légères » surnagent au-dessus du distillat et vont constituer l’huile essentielle, un liquide hydrophobe ( = non soluble dans l’eau) et odorant,
  • Les molécules les plus lourdes, et hydrosolubles (= solubles dans l’eau), vont être précipitées dans le fond de l’essencier et constitueront l’hydrolat. La décantation de l’essencier permet de séparer l’huile essentielle de l’hydrolat.

 

Les huiles essentielles ne représentent qu’une part infime de ce qui est recueilli dans l’essencier.

 

Exemple de distillation de la lavande pour 1 hectare de lavande fine (source :  Aura Industrie, distillation des plantes pour la production d'huiles essentielles et d'hydrolats) :

  • environ 2125 kg de matière verte
  • environ 30 kg d’huile essentielles de lavande fine (soit un rendement de 1,5%)
  • environ 2000 litre d’hydrolat de lavande (soit un rendement de 95%)

 

Il est à noter que la décantation ne permet pas se séparer totalement l’huile essentielle de l’hydrolat, et que l’hydrolat contient de ce fait une très faible quantité d’huile essentielle (moins de 1%).

 

Procédé n°2 : L’expression à froid

L’extraction par expression à froid est un procédé mécanique visant à récupérer l’huile essentielle logée dans la peau (ou épicarpe) des agrumes. Cette technique est réservée spécifiquement aux agrumes en raison de la localisation de leurs huiles essentielles. Aujourd’hui, il existe plusieurs systèmes d’extraction qui consistent à gratter mécaniquement les peaux gorgées d’essence. L’essence entraînée par de l’eau, subit ensuite une décantation pour en être séparée. Les huiles essentielles obtenues par ce procédé sont celles de citron, de pamplemousse, de bergamote ou encore de bigarade.

 

Procédé n°3 : L’extraction au fluide carbonique à l’état supercitique

Le principal avantage de la distillation à la vapeur d’eau est la simplicité de sa mise en œuvre, et son coût relativement faible.

En revanche, l’oxygène contenu dans la vapeur d’eau (H2O) va partiellement dénaturer le distillat obtenu, favorisant les réarrangements moléculaires, ce qui se traduit par des phénomènes :

  • d’oxydoréduction (=réaction chimique au cours de laquelle se produit un transfert d'électrons),
  • d’isomérisation (=composé formé de mêmes éléments dans les mêmes proportions, mais qui présente des propriétés différentes), ce qui modifie la composition chimiques de l’essence aromatique d’origine
  • d’hydrolyse ( = réaction chimique où l’eau décompose une substance), et en particulier celle des esters (se transformant en acides et alcools).

 

En d’autres termes, l’huile essentielle obtenue peut comprendre, dans des proportions extrêmement minoritaires, des composés qui ne se trouvaient pas initialement dans la plante.

 

C’est dans ce cadre que d’autres mécanismes d’extraction ont été imaginés. L’un des plus intéressants consiste à extraire les essences aromatiques à l’aide d’un solvant particulier, le dioxyde de carbone (CO2) sous forme fluide (dit supercritique).

Ce procédé, permet, en fonction de la température et de la pression utilisée :

  • d’extraire en douceur, sans les dénaturer, des composés lipophiles (=solubles dans une matière grasse) n'existant pas lors des procédés de distillation, élargissant ainsi le pectre du nombre de molécules présentes dans les huiles essentielles.
  • de sélectionner les fractions volatiles souhaitées de l’huile essentielle.

Par ailleurs, le CO2 supercritique sous forme fluide est un solvant non toxique, ce qui en fait un procédé d’extraction «vert » et bio.

En revanche, c’est un procédé qui coûté cher, qui nécessite des végétaux à l’état sec et broyés (d’où une possible dégradation des composants, même faible, avant la mise en oeuvre du procédé). Et certaines études d’olfaction semblent relever un écart entre les huiles essentielles obtenues par cette méthode et celles obtenues par distillation à la vapeur.

 

En guise de résumé, on peut dire que, suivant les huiles et les utilisations, il sera plus approprié de faire usage d’huiles essentielles obtenues grâce à la distillation à la vapeur d’eau, et d’autres fois plutôt se tourner vers celles découlant d’une extraction au Co2 supercritique.

 

3) Qualité des huiles esssentielles

La qualité des huiles essentielles dépend de nombreux facteurs que, malheureusement, le consommateur ne peut pas maitriser. On peut citer 3 grands principes :

  • La qualité des végétaux
  • Le type de distillation et sa maitrise
  • Les conditions de conservation des huiles.

 

a) La qualité des végétaux :

  • La certification de « bio » n’est pas suffisante pour garantie une qualité. Elle indique simplement que la culture et la production s’est faite, à priori, sans pesticides, sans que cela soit parfois entièrement vérifiable.
  • L’origine de la plante, et son chémotype (type chimique de la plante) doit être avérée. Une huile de thym ne veut rien dire. On trouve des dizaines de type de thyms différents, et ils n’ont pas les mêmes propriétés. Un thym à linalol est différent d’un thym à thymol ou à thujanol.
  • Le moment de la récolte. Certaines plantes doivent être récoltées le matin, d’autres le soir, certaine doivent l’être après la floraison, d’autres avant. Le résultat sur la qualité des végétaux en est primordial.
  • La conservation des végétaux : sont-ils entreposés depuis 2 mois dans un hangar ou viennent-ils d’être cueillis ?

 

b) Le type de distillation (vapeur à eau)

  • Quel est le type d’alambic utilisé ? Les « petits » alambics permettront de chauffer les plantes en douceur et lentement, et pourront extraire plus de molécules différentes. Les grands alambics industriels seront moins performants dans l’adaptation des températures et temps de distillation. On ne s’improvise pas distillateur !

 

c) La conservation des huiles essentielles

  • Est-ce que les huiles proviennent uniquement des végétaux ou sont-elles mélangées avec d’autres huiles, voie d’autres ingrédients.
  • Connaissons-nous exactement la provenance des huiles ?

 

En résumé, beaucoup d’éléments concourent à ce qu’une huile essentielle soit, ou ne soit pas, de bonne qualité. C’est vrai bien évidemment pour celles à visée purement olfactives, mais également pour celles à visée thérapeutique par voie cutanée. Il est primordial de rechercher les bons producteurs d’huiles essentiels et leurs revendeurs.

 

Un autre article détaillera ce qu’il faut comprendre de la chimie des moléculaires des huiles essentielles.

© Guy Berlin - Aromatologue


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